Financiarisation de la nature
Le marché des obligations vertes dont le marché des obligations eau-climat est un sous-ensemble ne peut exister que dans le cadre de la financiarisation de la nature. Ainsi les écosystèmes sont définis comme des « infrastructures naturelles » (p. 44) produisant des « services » (p. 6). Ces « infrastructures naturelles » et ces « services écosystémiques » sont quantifiés, évalués (valorisation monétaire) et comparés aux « infrastructures vertes et hydrauliques » et aux services environnementaux résultant des activités humaines. Quantification, évaluation et comparaison ne peuvent être qu’artificielles compte-tenu de la complexité du fonctionnement des écosystèmes subissant ou non des projets eau-climat ainsi que du temps long de leur évolution; quantification, évaluation et comparaison n’existent que pour les marchés financiers. La financiarisation de la nature entraîne plusieurs effets pervers tels que l’accaparement des écosystèmes et des infrastructures par le monde de la finance1 et le recours au mécanisme de compensation comme solution privilégiée au changement climatique, à la perte de zones humides et de biodiversité2.
Eau et climat
Un projet lié à l’eau n’est éligible au standard pour des obligations eau-climat que s’il contribue à l’atténuation ou à l’adaptation au changement climatique. L’unique cause du changement climatique considérée est l’accumulation dans l’atmosphère de gaz à effet de serre (GES). Les projets liés à l’eau devront donc soit diminuer les émissions de GES dans l’atmosphère, soit augmenter leur stockage, soit s’adapter aux inondations et sécheresses résultant du changement climatique (p. 8). Le cycle de l’eau n’est pas perçu comme un élément déterminant du climat. Les projets de type « New Water Paradigm » qui visent à restaurer un « bon » cycle de l’eau et à lutter ainsi contre le chaos climatique sont de fait peu ou pas compatibles avec le standard pour des obligations eau-climat.
Projets éligibles au standard pour des obligations eau-climat
Certains des projets considérés comme éligibles au standard pour des obligations eau-climat posent de graves problèmes environnementaux et/ou sociaux : transferts d’eau inter-bassin, barrages hydroélectriques, recharges artificielles des nappes, désalinisation, digues, etc. Les projets de fourniture d’eau à l’industrie minière sont également considérés comme éligibles ! Tous les projets nécessitent l’emploi de technologies coûteuses dont certaines sont fortes consommatrices d’énergie. Il est à noter que les barrages qui sont donnés en exemple (Himalaya, bassin du Mékong) sont de véritables catastrophes écologiques et affectent les conditions de vie des riverains (p. 6).
Critères d’évaluation des obligations eau-climat
Les agences de notation financière mais aussi sociale et environnementale sont totalement discréditées depuis la crise des subprimes de 2008 suivie de la crise de la dette en 2010. En proposant des critères « scientifiques » d’évaluation des obligations eau-climat, les promoteurs du standard essaient de convaincre que la notation sera objective et non pas subjective comme avec les agences de notation existantes. C’est faux. Pour s’en convaincre, il suffit de lire comment sont élaborés les critères (paragraphe 4, p. 16-29). La définition des catégories de projet (p. 18) et leur rôle dans l’atténuation et/ou l’adaptation sont totalement arbitraires, comme la définition de seuils supérieur, acceptable et non acceptable. On retrouve l’habituel bricolage de l’ingénierie financière amplifié par les a priori des « experts » du groupe de travail technique (annexe G, p. 50) sur les relations entre le climat et l’eau.
Droits humains liés à l’eau
Le consortium reconnaît que des projets éligibles au standard pour des obligations eau-climat pourraient ne pas respecter les droits humain liés à l’eau et entraîner des « risques sociaux pour les émetteurs, les souscripteurs et les acheteurs d’obligations »3. Néanmoins, le consortium n’envisage pas d’incorporer dans son standard des critères fondés sur les droits humains liés à l’eau. Il propose plutôt de s’appuyer sur des standards existants qui incorporent ces critères, en complément de son propre standard (p. 3). Il est demandé aux émetteurs d’obligations d’appliquer ces standards complémentaires et aux acheteurs d’obligations de vérifier que l’émetteur les applique. Le consortium cite plusieurs de ces standards, notamment la déclaration de l’Assemblée Générale de l’ONU sur les droits humain à l’eau et à l’assainissement (p. 42) et le « Hydropower Sustainability Assessment Protocol » de l’International Hydropower Association (p. 43). Notons que les droits humains à l’eau et à l’assainissement tels que définis par l’AG de l’ONU ne sont mis en œuvre quasiment nulle part et que la Banque Mondiale finance régulièrement des projets qui violent ces droits4. Quant au « Hydropower Sustainability Assessment Protocol », les populations affectées par les barrages hydroélectriques le considèrent comme un outil au service des constructeurs de barrages qui ne défend nullement les droits des populations.
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