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APPEL POUR UNE MINGA DES LUTTES-ALTERNATIVES « NON A L’EXTRACTIVISME, OUI A LA TRANSITION ! »

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APPEL Pour une MINGA[1] des luttes-alternatives

« NON à l’extractivisme, oui à la transition ! »

Au Sud, comme au Nord, nos luttes et nos projets d’alternatives défient l’emprise de l’économie sur la vie. Chacun à notre manière, nous nous opposons à la domination du modèle de « développement » basé sur l’extraction de matières premières que nos économies productivistes portées par la promesse de la croissance infinie exigent en quantités sans cesse plus grandes. Pourtant, il existe peu d’articulations entre les mouvements qui luttent contre les différentes facettes de ce système : ceux qui combattent  «l’extractivisme » dans les pays du Sud (exploitation minière ou pétrolière, plantations ou élevages industriels, etc.) et du Nord (gaz et pétrole de schiste, sables bitumineux, etc.); ceux qui s’opposent aux mégaprojets (infrastructures et aménagements au service des intérêts économiques, « grands projets inutiles imposés » - GPII[2]), absurdes et destructeurs de territoires ; ceux qui œuvrent pour la transition et la décroissance, principalement au Nord, et, plus généralement, ceux qui construisent des visions et des pratiques alternatives, partout dans le monde.

Cette relative atomisation peut s’expliquer par la différence des contextes et par le souci de ne pas créer de liens artificiels et « délocalisés ». Nous pensons, toutefois, que si l’ancrage local et la diversité de nos expériences sont la principale « richesse » de nos mouvements, cette dispersion nous prive de moyens (de mobilisation, de réflexion, d’action…) indispensables pour mener à bien nos combats et projets.

Nous pensons que, s’il est légitime pour chaque mouvement de considérer ses propres urgences comme prioritaires, nos combats sont liés les uns aux autres, proches ou lointains. Chacune de nos victoires - « ici et ailleurs » - nous renforce. Chaque défaite essuyée fragilise l’ensemble de nos luttes. Les multiples agressions subies simultanément par nos territoires font aussi écho à la multitude de solutions que nous pouvons et pensons y apporter.

C’est pourquoi, nous - différents mouvements et collectifs locaux, « porteurs » de luttes et d’alternatives sociales et écologiques concrètes, lançons cet Appel : Construisons des relations d’entre-aide et de solidarité, tissons des liens pour renforcer nos mouvements, tout en évitant leur dissolution dans l’universalisme des « causes abstraites».

Désireux de construire ces liens, mais aussi attachés à nos ancrages locaux et à l’importance de rester dans le concret, nous proposons à celles et ceux qui souhaitent se joindre à nous pour développer ensemble une relation fondée sur le principe de la Minga. La Minga en langue Quechua signifie “la mise en commun du travail, dans le but de s’entraider les uns les autres en s’échangeant des techniques et des informations ou en se consacrant ensemble [de façon ponctuelle] à un objectif déterminé”.

Construire une maison seul peut prendre des années, mais si tous les voisins apportent leur aide pendant une semaine, en « mettant en commun leurs forces pour un objectif ponctuel et déterminé », le chantier avancera bien plus vite ! Dans nos contextes, aux réalités de terrain très différentes, le principe de la Minga pourrait se formaliser de deux façons : des rapprochements selon la proximité géographique – construction de liens d’entre-aide entre mouvements géographiquement proches, ces liens pouvant être activés sur l’appel de chacun de ces mouvements -; et des rapprochements autour des « objets » (de lutte ou d’alternatives) similaires dans différentes régions de la planète, grâce à l’entre-aide et l’échange d’expériences et d’information à distance.

Nos engagements sont complémentaires : nos résistances entravent les rouages du même système « extraction –production-consommation », en refusant les rôles que celui-ci nous assigne. L’opposition tant à l’extractivisme qu’aux mégaprojets peuvent être considérées comme un préalable à la transition ou tout du moins comme un chainon indispensable à celle-ci, central pour changer de paradigme et sortir d’un système économique destructeur. Inversement, la construction de propositions et d’expériences alternatives concrètes renforce les luttes, en leur donnant notamment le meilleur argument face à ceux qui prétendent décider à leur place de la direction de leurs vies : la preuve par l’exemple qu’il est possible de vivre autrement. 

Cet appel s’adresse aux porteurs de luttes, d’expériences socio-écologiques alternatives et d’initiatives de transition, partout dans le monde. Il ne s’agit pas pour autant de construire « un réseau des réseaux » ou de centraliser la solidarité. Bien au contraire, il nous paraît fondamental de donner la priorité à l’articulation directe, entre ceux et celles qui y voient un intérêt, sans formalisme et sans « centre des opérations ». Notre idée est de pouvoir initier ensemble une réflexion qui aiderait chacun à construire  ses propres convergences. Pour cela, nous souhaitons dans un premier temps approfondir cette proposition de méthodologie aussi bien sur ses fondements et principes que sur ses possibles modalités pratiques et techniques (outils).

Telles que nous les envisageons, ces articulations ne sauraient être des chaines ou des déclarations d’intentions. Nous projetons cet appel comme le point zéro des alliances à construire. Si votre mouvement, collectif ou association est porteur d’une lutte (extractivisme, mégaprojets, GPII…) ou d’une alternative concrète, et si notre démarche vous intéresse, nous vous invitons à participer avec nous aux prochaines étapes :

  • Diffuser cet appel auprès d’autres participants potentiels : « porteurs » de luttes et/ou d’alternatives concrètes, hors partis politiques;
  • Participer, avec nous, à construire un Outil de Liaison des Luttes et des Alternatives (OLLA) s’appuyant sur une cartographie, un agenda et un catalogue des moyens et des savoir-faire partagés
  • Commencer à mettre en application le principe de la Minga en étant présents aux rendez-vous importants convoqués par des acteurs de luttes ou d’alternatives adhérents à l’appel, Prochain rendez-vous : Festival de la transition (fin septembre-début octobre 2012 à Paris et en Ile-de-France) : pensé comme un moment de présentation du mouvement de la transition à travers des initiatives locales concrètes, des débats, des discussions thématiques, ce festival laissera aussi une place au travail que nous menons autour de cet appel et nous permettra de poursuivre notre réflexion sur l’existence de points de convergence ponctuels ou structurels entre les luttes contre l’extractivisme et les alternatives de la transition.

Contact : [email protected]

Premiers signataires: Collectif citoyen Ile-de-France "Non aux gaz et pétroles de schiste" ([email protected]), Quartiers en transition (Paris 18e, http://petitsmatinsetgrandsoir.wordpress.com, http://quartiersentransition.wordpress.com), Collectif Briad « Non aux gaz et pétroles de schiste » ([email protected]), Association ReLOCALisons (http://relocalisons.wordpress.com), Coopérative alimentaire l'Indépendante (http://www.lindependante.org), Collectif Causse Méjean Gaz de Schiste Non, Association Tierra y Libertad France (en soutien à la lutte contre le projet minier Conga, Pérou), Collectif ALDEAH (en soutien aux luttes contre l’exploitation minière de la communauté de Caimanes, Chili, des communautés paysannes d’Ayabaca, Pérou, des Voisins Autoconvoqués de Tilcara, Argentine, etc.)

A propos de cet Appel : Nos différentes problématiques sont étroitement liées.

D’abord car l’exploitation de minerais, d’hydrocarbures et d’autres matières premières, réalisée essentiellement dans les pays du Sud, alimente le métabolisme du système économique et social, basé l’économie de croissance et  la société de consommation. L’extraction des ressources fossiles et minières touche aujourd’hui le monde entier, en  stérilisant des terres agricoles, en détruisant des économies locales et des écosystèmes, des forêts, des fleuves, des espaces de vie, des traditions ancestrales, en obligeant des peuples obligés à  vivre dans des « zones de sacrifice » fournissant ces matières premières.

Ensuite, parce que ce système mortifère pour la planète et ses habitants prospère essentiellement grâce au dogme de la croissance, invariablement défendu par tous les pouvoirs en place, les partis politiques, les entreprises et les médias de masse. C’est par ce dogme – et par l’objectif de générer de l’activité économique, en soi et pour soi, - que des gouvernements justifient le lancement aux quatre coins du globe de mégaprojets industriels et de construction d’infrastructures. Ces « grands projets inutiles imposés » (GPII) [3], mis en œuvre sous couvert de promesses d’emplois (peu suivies d’effets et pour l’immense majorité précaires), ont surtout des conséquences dramatiques pour les territoires et les populations concernées : terres agricoles sacrifiées, biodiversité détruite, multiples pollutions environnementales… Or, ces projets ne pourraient voir le jour sans les industries extractives qui fournissent, à un rythme toujours plus soutenu, les matières premières nécessaires à leur réalisation.

Enfin, les initiatives liées à la transition, à la décroissance et à d’autres propositions théoriques et pratiques en rupture avec le système dominant cherchent à sortir de la société de consommation et à imaginer une économie post extractiviste (notamment post-pétrole) à travers des alternatives locales.



[1] en langue Quechua signifie “la mise en commun du travail, dans le but de s’entraider les uns les autres en s’échangeant des techniques, des informations ou en se consacrant tous ensemble à un objectif déterminé”. http://fr.wikipedia.org/wiki/Minga_(tradition_sud-am%C3%A9ricaine)

[2] Notamment en France : l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le Plateau de Saclay, le stade de Décines à Lyon, lignes TGV…

[3] Notamment en France : l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le Plateau de Saclay, le stade de Décines à Lyon, lignes TGV…

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