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Café équitable, café bio : une alternative pour les producteurs ?

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Carnet de voyage. Par Irkita

Pérou, Los Naranjos, province de Jaen, département de Cajamarca

Un joli village en adobe et en bois, niché dans une vallée verdoyante et fraiche. Un producteur de café qui accepte de nous guider dans les plantations d'un voisin (absent), nous explique qu'il ne travaille pas vraiment dans les circuits du commerce équitable. Le plus souvent, il subit la loi du marché, qui, certaines années, lui rend la monnaie de son effort, et, d'autres, lui permet simplement de continuer à s'adonner à ce qui est plus une passion qu'autre chose. En réalité, impossible de compter sur sa culture de café pour vivre.

Ce n'est un scoop pour personne, les lois des marchés internationaux des matières premières sont dures pour les paysans du Sud. Le café que nous payons 3€ les 250 grammes torréfiés, moulus et emballés (dont le prix ne change pas ou très peu !), peut être acheté à 110$ le quintal (c'est-à-dire 46 kg), ou encore à 2,4$ le kg. Parfois, c'est moins. Parfois, c'est plus, comme par exemple l'année dernière, lorsque, en raison de mauvaises récoltes au Brésil et d'un renouvellement des cultures en Colombie, les prix avaient monté en flèche et les revendeurs des pays voisins sont venus se servir en café au Pérou. C'était une bonne année pour les caféiculteurs, un peu moins pour les coopératives qui ont du acheter cher pour pouvoir honorer leurs contrats déjà conclus.

Quid du commerce équitable ? Il se matérialise, pour les paysans de Jaén, (Pérou) par une prime de 10$ par quintal par rapport au prix du marché. On y ajoute 20$ de plus si la culture du café est bio (et si le producteur bénéficie de certification correspondante). Il existe aussi un prix minimum d'achat qui permet de compenser, un petit peu, la baisse des prix dans les années difficiles.

La plantation du café que nous visitons est bio (ou « organique », comme on dit ici), et notre guide du jour nous explique les différentes techniques utilisées dans la zone : cultures « à l'ombre » des arbres fruitiers (bananiers, guabas, etc.), comme quasiment partout sur le continent, utilisation des engrais naturels, etc. Il nous explique aussi que ses trois hectares à lui - sachant qu'il faut entre 6 et 11 mois pour que les grains du café murissent - ne lui fournissent qu'un petit complément de revenus. Pourquoi alors il cultive du café ? « Par passion » nous répond-il en caressant un grain ramassé un peu plus tôt...

San Ignacio, province de San Ignacio, département de Cajamarca

La province de San Ignacio (Pérou), située à la frontière avec l'Equateur a pour particularité d'avoir opté pour un développement « écologique ». Du coup, entre café bio et commerce équitable, programme de recyclage des déchets et gestion de projets concertée, c'est une ville qui semble cumuler les alternatives. Les slogans peints sur les murs de la cité, perchée sur un flanc de vallée face à un relief verdoyant et nuageux, annoncent la couleur : « Ici, le café est organique ». « Ici, on protège l'environnement ». Ou encore, dans un style un peu plus impératif : «sois intelligent, protège ton environnement» ou « San Ignacio, on te veut propre, c'est la responsabilité de tous ».

Entre autres coopératives et associations productrices du café, principal produit d'exportation de la province, on trouve Aprocassi, Asociacion provincial de cafetaleros solidarios de San Ignacio.

Aprocassi en quelques mots, c'est une association de caféiculteurs qui achète le café aux producteurs-membres (qui sont au nombre de 500) et le revend dans les circuits du commerce équitable (10 dollars de plus par quintal par rapport au prix de la bourse et un minimum d'achat de 125$ par quintal) ou équitable et certifié « bio » (30 $ de plus par rapport au prix de la bourse et un minimum d'achat de 145$) à des entreprises européennes et états-uniennes. C'est donc Aprocassi qui s'occupe des certifications (notamment FLO Cert - l'intégralité de la production est vendue au prix du commerce équitable) et des formations, en cherchant à améliorer la qualité du café et créer des exploitations durables et intégrales (l'association possède notamment une parcelle démonstrative utilisée à cette fin). Le producteur paye un droit « d'entrée » qui sert à financer (en partie) ces démarches. Il s'engage également à produire en accord avec les certifications obtenues. Des contrôles annuels de tous les producteurs (visites des parcelles) permettent d'assurer un suivi régulier et sanctionner les infractions (utilisation des produits chimiques pour la certification bio, etc.), alors que les organismes certificateurs contrôlent des producteurs choisis au hasard (les certifications sont renouvelées chaque année). Aprocassi travaille aussi à la commercialisation des cafés d'origine (AOC), même si, pour le moment, la majeure partie du café de San Ignacio sera vendu au consommateur final mélangé à d'autres.

En parallèle, l'association a mis en place un programme de crédit pour ses membres, en facilitant les investissements nécessaires à leur activité. Enfin, dans la petite pépinière sur le terrain d'Aprocassi, on cultive des arbres (fruitiers et autres) servant à créer de l'ombre nécessaire à la culture du café.

Les 500 associés ont produit l'année dernière 35 containers de café (ce qui équivaut à 18 000 quintales). Dans la zone et avec les techniques de production développées, un hectare permet de produire entre 20 et 25 quintales (les producteurs ayant des parcelles plus grandes arrivent jusqu'à 100 - 150 quintales annuels). En 2009, le prix moyen de vente était de 170$ le quintal (dont une partie est gardée par l'association pour compenser ses frais).

Alors, au final, en termes de sacro-sainte rentabilité, cela vaut-il le coup de cultiver du café sans produits chimiques ? Selon le président d'Aprocassi, Juan Huaman Lavan, la réponse est « oui ». Surtout si l'on pense à long terme. Un caféier bio vivra plus longtemps, de l'ordre de 50 ans, contre pas plus de 15 ans pour un « chimique ». A terme donc, il produira plus, ce qui compensera le rendement inférieur du jeune caféier bio par rapport à son cousin boosté aux engrais (notez qu'il faut 2-3 ans pour qu'un caféier commence à produire) ! Et comme le prix minimum d'achat d'un quintal de café bio et équitable est de 145$ (ou 30$ en plus du prix de la bourse quand celui-ci est supérieur à 145$), le jeu en vaut la chandelle... Enfin, les engrais naturels, préparés « à la maison », coûtent beaucoup moins cher que les produits chimiques. « Ami buveur de café, lorsque tu achètes ton café, tu sais quoi faire ».

Enfin, historiquement, la coopérative est le fruit d'une lutte victorieuse contre un projet minier, menée par les ronderos-producteurs de café de San Ignacio. L'idée de la création d'Aprocassi a émergé comme une contre-proposition au modèle de développement incarné par la mine, et, semble-t-il, elle a fait ses preuves...

http://el-viaje-de-irkita.blogspot.com

*Note : un quintal = 46 kilos de café.

 

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