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PER de Tennie : un virage dangereux. Lettre aux élu-e-s sarthois et mayennais

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Date de publication: 
Lundi, 29 Juillet, 2013
Par: 
William Sacher

Cher-e-s élu-e-s,

Sarthois d'origine, j'ai longtemps été résident de la commune de Trangé, qui se trouve à 15 km du PER (Permis Exclusif de Recherche) de Tennie et je me sens profondément attaché à la région. Étant cycliste, je connais particulièrement bien les communes environnantes et les routes de campagne du coin pour les avoir sillonné durant mes années d'adolescence. Absent durant de longues années d'études en France et au Canada, je reviens aujourd'hui, avec un diplôme d'ingénieur en hydraulique et hydrologie, un doctorat en météorologie et climatologie, tandis que j'obtiendrai prochainement un titre de doctorat en économie du développement.

Je connais bien les multiples effets que l'activité minière industrielle telle qu'on la pratique aujourd'hui pour les avoir étudié en profondeur au cours des 10 dernières années, tant au Canada, qu'en Amérique Latine ou encore en Afrique. Une documentation internationale sérieuse et conséquente existe aujourd'hui à ce sujet. L'ampleur des impacts environnementaux, sociaux, économiques, politiques, sanitaires, culturels et même psychologiques, aussi généralisés que dramatiques de la mega-industrie minière restent cependant -relativement- méconnus en France.

Précisons que ces impacts sont à la mesure du modèle actuel d'exploitation, un modèle du XXIème siècle, celui d'un gigantisme minier. La conjoncture économique internationale et les avancées technologiques permettent aujourd'hui d'exploiter de façon rentable ce qu'hier on ne considérait encore que comme des terres « stériles ». Dans l'industrie des métaux, ces terres exploitables ne contiennent actuellement que des concentrations infimes de minerais. Songez qu'en moyenne, les "gisements" de cuivre tels qu'on les identifie maintenant, contiennent moins d'1% -un tout petit pour cent- de cuivre. Quand on exploite un gisement de ce type, 99% des roches déplacés deviennent donc des déchets à stocker, et bien entendu à contrôler, pendant des lustres.

Soyez assurés que cette dernière tâche ne reviendra pas à la société australienne qui est à la tête du projet minier qui s'installe aujourd'hui en Sarthe et en Mayenne. Jamais les sociétés privées, à plus forte raison lorsqu'elle sont inscrites sur des bourses étrangères, ne se chargent de cette besogne. Cette dernière échoit aux collectivités locales et aux États. Pourtant, les résidus miniers sont susceptibles de générer des pollutions pour les décennies, voire même les siècles à venir. En Espagne, des déchets des mines de l'empire romain continuent de polluer le "río tinto", le fleuve rouge à cause de l'acidité extrêmement élevée de ses eaux. Demandez à nos "cousins" les québécois quel leg leur a laissé un siècle d'exploitation minière industrielle. La facture de la réhabilitation des parcs à résidus miniers québécois se chiffre en centaines de millions, voire en milliards de dollars. Ainsi, même au Canada, qu'on présente souvent comme un "exemple" en matière de standards d'exploitation, on fait donc face à des problèmes insolubles de gestion de déchets miniers.

"Pour l'instant, nous ne faisons qu'explorer" tenteront de rassurer les promoteurs du projet minier. En effet, même si à terme l'entreprise pliait bagages sans avoir trouver de gisement à son goût, elle aura spéculé en bourse sur la valeur de son projet minier depuis des marchés qui sont taillés sur mesure pour les pratiques improductives de cette économie-casino. Croyez-moi, c'est déjà ce que font les actionnaires de la société Variscan.

Les impacts économiques dits "positifs" que les sociétés minières mettent en avant (créations d'emplois et retombées financières, par ailleurs éphémères) ne pèsent jamais lourds dans la balance face aux pollutions de nappes phréatiques en métaux lourds, aux destructions des rivières par les drainages acides, aux empoisonnements du bétail et des cultures, aux effets qu'ont sur la santé publique la consommation d'eau polluée ou encore la respiration de poussières ... ou bien encore face aux plantureux bénéfices réalisés par les entreprises au terme de juteuses opérations d'achats d'actions, ou plus simplement de la vente du cuivre, de l'or ou d'autres minéraux extraits. Sans compter qu'au niveau départemental, nos économies pourraient se retrouver piégées dans une logique similaire à celle d'un pays exportateur de biens primaires : l'exploitation industrielle de métaux est une activité hautement technologique et destinée au marché national et international. En Sarthe et en Mayenne, elle produira une enclave économique qui ne se connectera pas aux circuits locaux de production d'une manière satisfaisante.

Rappelons de surcroît qu'à l'échelle internationale, les sociétés minières sont expertes en évasion fiscale et font transiter le plus souvent leurs bilans comptables par des paradis fiscaux, privant ainsi les gouvernements des fameuses et tant attendues retombées financières. Elles opèrent à partir de juridictions (comme en Australie ou au Canada) où elles n'ont aucunes obligations quant à la divulgation des informations pertinentes sur la nature de leurs actifs, et n'ont aucun comptes à rendre quant aux conséquences de leurs activités. Elles sont capables aussi, de part leur puissance financière, d'influencer bien des gouvernants, afin qu'ils conduisent des politiques publiques et conçoivent des lois en accord avec leurs intérêts… En matière d'exploitation de « ressources naturelles », notre imaginaire colonial a parfois tendance à réserver l'exclusivité de toutes ces fofaitures à « d'incorrigibles » dictatures africaines ou encore à des « républiques bananières » enlisés dans une corruption rampante. La criminalité économique associée à l'exploitation de ce type de biens naturels n'a malheureusement pas de frontières.

Enfin, cher-e-s élu-e-s, je vous demande donc de bien considérer les conséquences tout aussi inévitables que dramatiques que l'arrivée d'une société d'exploration minière étrangère comme Variscan implique pour le bien public de nos départements et celui des français en général. Sa portée pourrait être historique, Le PER de Tennie étant une première depuis bien des années dans notre pays, qui pourrait se muer rapidement en un -fâcheux- exemple à suivre. Je vous demande de bien mesurer le poids que vous pouvez peser face au virage qu'on s'apprête à prendre avec l'implantation de cette activité industrielle éphémère et prédatrice. Dans ce nouveau virage, je ne peux pas croire que mes élu-e-s sarthois et mayennais prennent le risque d'une fatale sortie de route.

Je vous fais donc confiance pour promouvoir d'autres industries bien plus porteuses en matière de génération d'emplois sécuritaires et stables, équitables et égalitaires, en matière d'activités productives pérennes et fécondes pour le tissu social, en matières d'activités qui n'hypothèquent pas l'environnement de nos générations futures, en matières d'activités orientées vers la poursuite du bien commun.

William Sacher

En savoir plus : sur ALDEAH et Reporterre

Reportage vidéo :  http://www.aldeah.org/fr/nouvelles-mines-dans-la-sarthe

Cyber-action : http://www.aldeah.org/fr/cyberaction-non-au-permis-d...

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