Cerro de San Pedro est une petite municipalité de l'Etat de San Luis Potosí, situé à 400 kilomètres au nord de Mexico DF (capitale de la République) dans la zone centre-nord du Mexique, et à 12 kilomètres seulement de la capitale de l'Etat, San Luis Potosi. Cette municipalité compte une population de 3.404 habitants, dont 120 vivent dans le bourg principal, le plus menacé par le projet minier.
Cerro de San Pedro est construit sur les premiers contreforts de Sierra de Álvarez, à 2.040 mètres d'altitude. A moins de 8 km du village, se rencontrent les abords immédiats de la vallée de San Luis, où se trouvent les deux plus grands centres urbains de l'Etat, la ville de San Luis Potosi et Soledad de Graciano Sanchez, qui, ensemble, concentrent plus de 850.000 habitants. Les contreforts de la Sierra Alvarez font partie du bassin hydrique de la vallée de San Luis et sont considérés comme la principale « zone de recharge » des nappes phréatiques de la vallée.
Cerro de San Pedro est un village minier du XVI siècle, qui a donné naissance à la fondation de la ville de San Luis Potosi (1592), capitale de l'Etat du même nom, et la construction de l'identité culturelle de la région, à tel point que le Cerro de San Pedro apparaît sur le blason de la capitale depuis 1655 et sur les armes de l'Etat de San Luis Potosi depuis 1824. De ce fait, Cerro de San Pedro est considéré par les habitants de la vallée de San Luis Potosi comme patrimoine culturel, historique et naturel.
Aujourd'hui, ce village est menacé de destruction par les travaux de la MSX qui affectent le paysage culturel, partie intégrante du patrimoine culturel, selon les termes définis par le Centre du Patrimoine Mondial de l'UNESCO en 1993.
Projet de la Minera San Xavier
Ce projet de la Minera San Xavier prévoie d'exploiter l'or et l'argent de la zone au moyen des techniques particulièrement destructrices : l'exploitation à ciel ouvert et la fixation des minerais par lixiviation (avec l'utilisation de cyanure de sodium). Cette technologie de fixation des métaux, extrêmement toxique et polluante, est proscrite dans les pays « développés ».
L'excavation à ciel ouvert prévue par le projet couvrira 67.7 hectares. 77 millions de tonnes de minerai seront extraites des collines de Cerro de San Pedro. Pour exploiter le gisement, plus de 25 tonnes d'explosifs seront utilisés chaque jour, dont les détonations et ondes sismiques vont mettre en péril les monuments historiques, ainsi que les habitations du village, constructions en pierres, liées avec de la boue séchée. A ce jour, de nombreuses et importantes fissures se notent déjà dans les murs de l'église St Pierre et des maisons, des toitures se sont effondrées, des murs de soutènement sont affectés, etc., etc... Mais la compagnie promet de créer environ 300 emplois !
Depuis 1995, date à laquelle l'entreprise entame les premières démarches pour l'installation du projet, les habitants des zones concernées et affectées ont entrepris de nombreuses actions légales pour interdire ce projet et pour défendre leurs droits devant les autorités impliquées, sans obtenir une réponse satisfaisante à leurs exigences de protection juridique, du droit à la contestation, du droit à la protection de la santé, du droit d'être pris en compte pour un développement soutenable. Cette résistance de la population du village est largement appuyée par de nombreuses organisations civiles, culturelles, de protection du milieu naturel, de défense des droits de l'Homme et par la population de toute la vallée en général. Cette unité de résistance a pour le moment, réussi à freiner la réalisation du projet, mais la menace persiste plus que jamais.
Les actions de Minera San Xavier
L'entreprise a commis une longue liste d'irrégularités et d'infractions aux lois en vigueur, avec la complaisance ouverte de l'exécutif de l'Etat. En voici quelques-unes :
Les impacts du projet pour l'environnement
De nombreuses conséquences de ce projet pour le milieu naturel, nous ne mentionnons ici que les plus marquantes :
La situation juridique actuelle : illégalité totale des activités de l'entreprise
Le Pouvoir Judiciaire de la Fédération (la République) a émis une décision qui annule tous les permis que la MSX aurait pu obtenir... ce qui n'a pas empêché l'entreprise de continuer ses activités.
Le 5 octobre 2005, le Tribunal Supérieur de Justice Fiscale et Administrative a dicté la sentence de nullité (dossier nº170/00-05-02-9/634/01-PL-05-04), pour que s'accomplisse la décision du Neuvième Tribunal Collégial du Neuvième Circuit en Matières Administratives d'annuler l'autorisation de l'étude d'impact environnemental et la correspondante licence d'utilisation de sol et de fonctionnement qui avait été accordée le 26 février 1999 à la MSX par l'Institut National de l'Ecologie, organisme déconcentré de la SEMARNAP ( aujourd'hui dénommé SEMARNAT).
Le Tribunal s'est donc prononcé pour la nullité de ces autorisations, exigée depuis 4 ans par l'organisation écologiste Pro San Luis Ecologico A.C., en tenant notamment compte des violations par la MSX de la Loi Générale de l'Equilibre Ecologique et de Protection de l'Environnement, du décret Administratif du Congrès de l'Etat de San Luis Potosi, qui, le 24 septembre de 1993 déclarait toute la zone concernée aujourd'hui par le projet de la MSX Reserve Ecologique.
Malgré les décisions irrévocables prises par les plus hautes autorités de judiciaires du pays, le 10 avril 2006, contre tout entendement, la SEMARNAT accorde un nouveau permis à la MSX (SGPA/DGIRA.DG.0567/06), en démontrant ainsi une entente d'intérêts évidente entre cette entité et l'entreprise.
A partir de ce moment, commence une véritable offensive destructrice de Cerro de San Pedro : la MSX entoure le centre historique d'un mur de pierres et obtient le permis d'achat et d'utilisation des explosifs de la part de la SEDENA (Secrétariat de la Défense Nationale), après que le général commandant la région militaire, qui s'opposait à ce permis, ait été muté à l'ambassade du Mexique à Paris et remplacé par une personne plus soumise.
Forte de ses « succès », la MSX s'implique dans le processus électoral de la municipalité en appuyant, grâce à tous les moyens financiers nécessaires, la candidate du parti Conscience Populaire Mme. Rosaura Loredo, qui gagnera les élections à la mairie de Cerro San Pedro le 2 juin 2006.
Suite aux pressions des écologistes, ce nouveau et illégal permis a été contesté, par différentes voies juridiques, car en plus d'être illégal car contraire à la décision du Tribunal, il est inopérant du fait de son contenu. Entre autres, ce nouveau permis n'est utilisable qu'à condition de l'obtention d'autorisations municipales de l'utilisation de sols, construction et opérations (page 125). Or, aux demandes des écologistes, la municipalité a répondu que ces autorisations n'ont jamais été délivrées [2], ce qui par ailleurs n'aurait de toutes façons pas pu être possible, sans être dans l'illégalité, puisque toute la zone concernée est classée zone protégée (décret de l'Etat du 24/09/1993). Pour autoriser le changement de l'utilisation des sols pour un usage minier, il aurait donc fallu déroger le décret, ce qui n'a pas eu lieu.
En résumé, la SEMARNAT ne peut donner de permis valable sans le permis de la municipalité, donc la MSX opère actuellement dans une parfaite illégalité.
Le lancement des activités de la MSX n'aurait jamais pu être possible sans la complicité des autorités municipales et provinciales.
Complicité du gouvernement municipal
De décembre 2003 à août 2004, la municipalité de Cerro de San Pedro a refusé de valider les permis de construction préalablement délivrés, puis suspendus. Cette résistance de la municipalité antérieure à celle de Mme Rosaura Loredo a été mise à mal par le gouvernement de l'Etat de San Luis Potosi, le gouvernement fédéral et la MSX. Le 7 août 2007, le jeune maire de Cerro San Pedro cède à la pression et signe les permis de construction.
En janvier 2007, Madame Rosaura Loreda assume la présidence de la municipalité. Elle occupait déjà ce poste durant la période 2001-2003, et sous son administration l'entreprise a pu bénéficier de toute sorte de facilités. C'est durant cette période que l'entreprise a encerclé les terrains collectifs dont elle a pris possession grâce à un contrat de location établi avec de faux ejidatarios. A cette même époque, elle a commis divers actes d'intimidation contre les habitants qui s'opposaient au projet minier, comme par exemple la fermeture du Musée « El Templete » qui menait alors une constante campagne d'information et de sensibilisation sur les conséquences du projet minier. C'est aussi l'administration de Mme Loreda qui a réalisé des ventes de terrains collectifs et municipaux à l'entreprise.
En 2006, la candidature de Madame Rosaura Loredoa été ouvertement financée par la MSX. L'actuel Sécretaire Général de la Municipalité, Víctor Gutiérrez Márquez, est en même temps employé de la MSX.
Gouvernement de l'Etat
Le gouverneur de l'Etat, Marcelo De los Santos Fraga, a toujours été favorable à la MSX. Il s'est toujours désintéressé de savoir si l'entreprise avait obtenu ou non les permis en bonne et due forme, en argumentant que ces problèmes étaient de la compétence du gouvernement fédéral. Il a assumé une attitude de passivité et complaisance face aux explosions du 11 janvier dernier, réalisées sans permis, ni supervision de la Direction de la Protection Civile de l'Etat, et sans se préoccuper pour la sécurité des habitants du centre historique de Cerro San Pedro.
Lors d'une réunion entre le gouverneur et les représentants de notre mouvement (Frente Amplio Opositor a la instalación de la MSX), celui-ci a annoncé publiquement que la Direction de la Protection Civile n' avait délivré aucun permis d' usage d' explosifs à la MSX... sans qu'il ait fait quoi que ce soit, dans les faits, pour s'y opposer.
Derniers événements
De novembre 2006 à janvier 2007, la MSX est entrée dans une activité frénétique pour réaliser les derniers préparatifs nécessaires au démarrage de l'exploitation. Ella a détruit des chemins ancestraux pour en tracer des nouveaux, a construit un pont interne à la future mine, des terrepleins, réalisé des forages en détruisant plusieurs collines et a pratiquement détruit le versant occidental de l'historique Cerro de San Pedro. Le tout, avec l'ouverte complaisance des autorités fédérales, de l'Etat et des autorités municipales et malgré la résolution du Tribunal Supérieur de Justice qui, en 2005, avait ordonné à la SEMARNAT de suspendre et retirer les permis.
Le 11 janvier dernier, des détonations réalisées par l'entreprise ont provoqué une avalanche de roches de plusieurs tonnes qui se sont écroulées sur les chemins menant au village, en détruisant des installations électriques, le service d'eau potable et en endommageant certaines constructions.
Déjà en 2006, l'entreprise avait avancé de 20% dans l'excavation de la mine, malgré les protestations de la population que les autorités cherchent par tous les moyens de faire taire. La répression avance. 6 personnes ont été incarcérées pour motifs de mutinerie et d'association délictueuse. Menaces et tentatives d'assassinat perpétrées par la « garde blanche » de l'entreprise contre les opposants sont monnaie courante. L'un des opposants a été obligé de s'exiler au Canada.
Malgré les actions de justice en cours, malgré le jugement du Tribunal, la MSX continue son travail de destruction en toute illégalité.
Voici la situation d'un village riche de plus de 450 ans d'histoire et de traditions. Un village qui va disparaître, et avec lui, une population opprimée dont les droits les plus élémentaires sont bafoués par les autorités corrompues pour le bénéfice d'une entreprise étrangère qui n'apporte que la désolation et la mort.
Par James del Tedesco et Mario Martínez Ramos
Contact : James Del Tedesco
Notes
[1] Les propriétaires de la terre en commun : un ejido est une entité administrative qui reconnaît la propriété communautaire d'un territoire. La communauté peut louer des terres à des personnes étrangères à la communauté, mais ne peut les vendre qu'à des personnes de la communauté
[2] En réalité, un permis de construction avait été délivré, puis suspendu