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La guerre de l'eau (Bolivie)

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La guerre de l’eau à Cochabamba, 10 ans après

District 9 de la zone sud de la ville de Cochabamba, quartier de Vera Cruz. Sous un soleil de plomb, femmes, hommes et enfants, pelles et pioches à la main, sont affairés à déboucher les tuyaux du château d’eau qui trône au milieu de la place sablonneuse. 

Le quartier de Vera Cruz compte 700 familles, originaires pour la plupart des départements de la Paz, Oruro et Potosi, dont la grande majorité vit du commerce informel. La moitié d’entre eux bénéficient du réseau communautaire d’adduction d’eau mis en place face à l’absence des services publics. William Aguilar Ramos, représentant du comité de l’eau du quartier, nous explique que l’eau du puits, utilisé depuis seulement 10 ans, s’est salinisée. En plus, une étude récente a révélé que celle-ci était polluée aux métaux lourds et donc impropre à la consommation. Le puits est proche d’une décharge dont les lixiviats pénètrent dans la nappe phréatique. Aujourd’hui, l’eau du puits communautaire ne sert plus qu’à laver les vêtements. Nous sommes 10 ans après le début de la « guerre de l’eau », nom donné au puissant mouvement populaire ayant empêché la privatisation de la gestion de l’eau à Cochabamba et dont les répercussions iront bien au-delà du territoire bolivien.

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L’eau: au-delà de l’Etat

Les comités de l’eau de la partie sud de Cochabamba, la quatrième plus grande ville de Bolivie, sont le parfait exemple des formes boliviennes de l’autonomie et de l’horizontalité. C’est un réseau toujours actif d’organisations qui se sont signalées après la « guerre de l’eau » de 2000, quand une mobilisation sur une grande échelle a mis le holà à une tentative parrainée par l’Etat de privatiser l’approvisionnement en eau de Cochabamba. L’un des résultats de la mobilisation a été une augmentation de la visibilité du réseau de comités de Cochabamba, qui a renforcé son niveau d’organisation dans la ville depuis sa victoire de 2000. On trouve les comités partout en périphérie, mais ils sont surtout concentrés dans la partie sud de la ville, qui est composée de six districts et compte la moitié de la population de la ville, soit plus de deux cent mille habitants, qui sont parmi les plus exposés à l’inefficacité de la compagnie publique de l’eau, SEMAPA.

Les comités de l’eau de Cochabamba réinventent les traditions boliviennes d’autonomie face à un Etat nouvellement remodelé, mais hautement centralisé.

L’autonomie et l’horizontalité sont parmi les formes boliviennes les plus traditionnelles d’organisation de la société. Elles forment ensemble une voie alternative, qui est réelle, pratique, et quotidienne, et qui recouvre ce que nous désignons par « lo publico », le fait public, et ce que cela implique de pratiquer une démocratie vivante et participative aux marges de l’Etat et des gouvernements qui détiennent le pouvoir.

Les comités de l’eau de la partie sud de Cochabamba, la quatrième plus grande ville de la Bolivie, sont le parfait exemple des formes boliviennes de l’autonomie et de l’horizontalité. C’est un réseau toujours actif d’organisations qui se sont signalées après la « guerre de l’eau » de 2000, quand une mobilisation sur une grande échelle mit le holà à une tentative parrainée par l’Etat de privatiser l’approvisionnement en eau de Cochabamba.

On associe souvent la guerre de l’eau et la « vraie » démocratie, et on pourrait penser qu’il y a là une contradiction : la guerre implique la violence, le gâchis en énergie et en ressources, la mort, les désaccords ; il paraît que c’est ce que la vision occidentale de la démocratie a pour but d’éviter. Mais il ne s’agissait pas d’un conflit direct portant uniquement sur la défense d’une ressource. Cela venait de la lutte historique et permanente du peuple bolivien pour défendre son droit à décider horizontalement et d’une manière autonome de ce qui concerne ses propres besoins, ce qui veut dire son besoin impérieux et permanent de vivre dans une vraie démocratie.