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Le plaidoyer bancal pour le gaz de schiste «made in France»

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Source de l'article de presse
Auteur de l'article de presse: 
Marine Jobert
Date de publication: 
Jeudi, 6 Juin, 2013

Les deux parlementaires n’ont jamais fait mystère de leurs convictions: ils sont résolument favorables à l’exploitation des gaz et pétrole de schiste, dont l’essor est bloqué par la loi du 13 juillet 2011 interdisant le recours à la fracturation hydraulique en France. Mais le rapport d’étape que le sénateur UMP Jean-Claude Lenoir et le député PS Christian Bataille ont rendu aujourd’hui, s’il assume son parti-pris de départ, fait l’économie d’une démonstration rigoureuse. Peu de chiffres, des exemples lacunaires, des problématiques à peine esquissées: le dossier des gaz et pétrole repart sur des bases tronquées.

Officiellement consacrée aux «techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels», la mission confiée au sénateur UMP Jean-Claude Lenoir et au député PS Christian Bataille a rapidement dévié pour accoucher d’un plaidoyer en trois points: estimons la présence des gaz et pétrole de schiste, finançons la recherche pour améliorer la fracturation hydraulique [JDLE] et, en attendant, exploitons le gaz de houille. Le pré-rapport, rendu public ce 6 juin, «sera dès cet après-midi sur le bureau du Premier ministre», ont prévenu les parlementaires, ainsi que sur celui des ministres du redressement productif et de l’écologie. Leur ambition: «Participer au débat sur la transition énergétique. Car nous continuerons à utiliser des hydrocarbures pendant quelques dizaines d’années encore», fait valoir Jean-Claude Lenoir, qui espère que cette hypothétique production nationale «viendra en déduction des importations. Ces hydrocarbures n’ont pas d’effet plus négatif sur l’environnement que ceux que nous achetons».

C’est que les estimations avancées par les parlementaires ont de quoi faire saliver: «Nous pourrions avoir des ressources similaires à celles de Lacq et donc approvisionner la France en gaz naturel pour 30% de ses achats pendant 30 à 40 ans». Des chiffres fondés sur des estimations de l’Agence internationale de l’énergie, mais «la probabilité associée à ces chiffres n’est pas connue», précise le rapport. «Des travaux de validation sont à réaliser», plaident les parlementaires, qui exhortent le ministère de l’écologie à abroger une circulaire en date du 21 septembre 2012 qui dispose que «les travaux d’exploration par campagnes de géophysique utilisant la technique de sismique réflexion (…) ne pourront être réalisés que dans les zones géographiques où cela peut être justifié par la recherche d’hydrocarbures conventionnels». «La plume de la ministre a un peu dérapé», commente Christian Bataille. Les élus attendent beaucoup de la sismique, «une technologie non invasive et non destructive» à mettre rapidement en œuvre pour pouvoir, dans un seacond temps, «explorer par percement de puits». C’est l’une des neuf recommandations du rapport.

 

Un deuxième volet des recommandations formulées par les deux parlementaires consiste à lancer le pays dans l’exploitation des «gaz de houille» en Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais, pour lesquels «c’est moins l’existence de la ressource que sa rentabilité qui est sujette à débats». Et le rapport de distinguer entre deux types de ressource: le gaz de mines et le gaz de couche. Le premier est «issu de mines de charbon (…) et récupéré par pompage depuis 1975, par exemple dans les mines désaffectées du Nord-Pas-de-Calais». Le second est «produit à partir de couches de charbon n’ayant pas donné lieu à exploitation minière classique, en raison de leur profondeur ou de leur mauvaise qualité. Ce gaz peut être exploité grâce à des techniques qui dépendent des conditions géologiques», précise le rapport. Quelles techniques pour exploiter ces gaz de couche? Christian Bataille soutient que la fracturation hydraulique n’est pas nécessaire et ne sera pas mise en œuvre, quand les Etats-Unis et l’Australie doivent l’essentiel de leur prospérité gazière à ces gaz de couche –Coalbed methane ou CBM- dont la seule technique de récupération est précisément… la fracturation hydraulique. Un document édité en 2011 par l’Institut français du pétrole-Energies nouvelles confirme que «le CBM (…) est produit dans plus d’une douzaine de pays répartis dans le monde, notamment aux Etats-Unis, mais aussi au Canada et en Australie (…) Dans les cas où la fracturation naturelle est insuffisante, la technique de fracturation hydraulique est privilégiée».

Sur les contaminations d’aquifères par les fuites de gaz ou des liquides de fracturation, les parlementaires reprennent des propos souvent utilisés par les industriels: «Tout dépend de la qualité des forages et des tubes. Aujourd’hui, on passe à travers des nappes phréatiques sans qu’il y ait de problème (…) Nous avons en France une quantité de textes sur l’exploitation des sites industriels qui permettent de confier des puits à des entreprises compétentes et de les surveiller. La Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) s’y emploie», explique Jean-Claude Lenoir. Sans avancer le moindre chiffre, les parlementaires assurent qu’«aujourd’hui, on utilise beaucoup moins d’eau qu’avant. Aux Etats-Unis, on en utilise deux fois moins qu’il y a quelques années».

http://www.journaldelenvironnement.net/article/le-plaidoyer-bancal-pour-le-gaz-de-schiste-made-in-france,34998

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Jérémy Dotti
~ [email protected]~

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Dans le nord du Texas le gisement de Barnett Shale a éveillé une nouvelle ruée vers l’or gris. Chaque mois des milliards de m3 de gaz sont extraits des couches profondes de roches de schiste sous la ville de Fort Worth. Des torrents de gaz drainés par des milliers de camions. Une activité qui, ajoutée aux rejets des raffineries, pollue plus que le tout le trafic automobile de cette ville de 725 000 habitants selon un rapport réalisé par le professeur Al Armendariz en janvier 2009, nouvel administrateur de l’EPA (Agence de protection de l’environnement américaine). Ce précieux gaz, certains des habitants de Fort Worth l’ont retrouvé jusqu’à la sortie de leur robinet. Leur eau même contient des traces de produits chimiques injectés dans les puits, selon des analyses indépendantes menées par le documentariste américain Josh Fox. Nouvel arrivant dans cet Eldorado énergétique, Total a acquis début 2010, 25 % du plus gros exploitant de la Barnett Shale, Chesapeake, pour un montant de 600 millions d’euros et prévoit d’investir 1 milliard supplémentaire pour de nouveaux puits. Sans compter les engagements financiers que le groupe pétrolier prévoit en France.

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