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L’Amérique Latine aujourd’hui, vue du bas

Date de publication: 
Mardi, 23 Septembre, 2014
Par: 
Raul Zibechi - Traduction par Thierry Uso

Traduction par Thierry Uso de l’interview de Raul Zibechi publiée en juin 2013 dans le magazine MU.

LUruguayen Raul Zibechi travaille comme journaliste au magazineBrecha, coopérative créée entre autres par Eduardo Galeano et Mario Benedetti. Depuis 2001, Zibechi se focalise sur les mouvements sociaux à travers lAmérique Latine, quil découvre lors de voyages partout il est invité. Il est lauteur de plusieurs livres dont le plus récentThe New Brazil: Regional Imperialism and the New Democracy.

A voir aussi sur Aldeah : http://www.aldeah.org/fr/amerique-latine-tensions-en...

1- EQUATEUR

En Equateur, il y a un gouvernement qui proclame une révolution citoyenne et qui a une constitution qui fait référence de manière explicite au Buen Vivir et aux droits de la nature. En même temps, il y a 179 ou 180 dirigeants indigènes et militants accusés de sabotage et de terrorisme pour ce qu’ils ont toujours fait : bloquer les routes et occuper l’espace public pour protester et stopper les projets miniers qui affectent leur moyen d’existence et leurs communautés. La plus grande lutte actuelle des mouvements sociaux est pour défendre l’eau et arrêter les mines à ciel ouvert. Le président Correa les appelle les « ventres pleins » (« pancitas llenas ») qui parce qu'ils sont rassasiés peuvent se consacrer à critiquer le gouvernement et l’industrie minière au côté de leurs amies ONG impérialistes.

MU: Le président bolivien Evo Morales dénonce aussi ces ONG comme des organisations défendant les intérêts impérialistes afin de saper le pouvoir de lEtat en Amérique Latine.

Oui, Correa et Morales accusent les mouvements sociaux d’être manipulés par les ONG, comme si les communautés indigènes étaient des enfants mineurs. L’Equateur et la Bolivie ont plusieurs choses en commun : premièrement, les mouvements sociaux sont puissants ; deuxièmement, les gouvernements se déclarent eux-mêmes révolutionnaires ; et enfin dans les deux pays il y a une confrontation féroce entre les politiques de modernisation gouvernementales et les mouvements sociaux qui sont criminalisés et persécutés.

Mais un fait intéressant est que les classes dominantes en Bolivie aussi bien qu’en Equateur changent rapidement. La bourgeoisie financière à Guayaquil (dans le sud) s’est effondrée et aujourd’hui c’est le secteur financier à Quito (altiplano du nord) qui est dominant. Parallèlement, de nouvelles analyses provenant de Bolivie parlent d’une nouvelle bourgeoisie dans laquelle les dirigeants indigènes Aymara et Quechua jouent un rôle important. Cette contradiction est évidente dans le conflit de Tipnis, quand une énorme mobilisation indigène a arrêté un projet d’autoroute dans les terres ancestrales. A Tipnis, le conflit est entre les producteurs de coca qui font maintenant partie des instances dirigeantes et les indigènes [qui ont été précédemment leurs alliés pour amener Evo Morales au pouvoir]. Nous observons un processus similaire dans plusieurs pays.

MU: Alors, à quoi ressemble le pouvoir maintenant?

Fondamentalement, ce que nous avons est d’un côté la vieille classe possédante, et de l’autre côté la classe « gestionnaire » (« gestores »). Des gens qui ne possèdent pas les banque mais qui les gèrent, des gens qui contrôlent les fonds de pension, le capital qui est la matière première pour la spéculation financière. Ces gestionnaires sont maintenant les acteurs essentiels, ils sont bien payés et ils font partie de la classe dirigeante même s’ils ne possèdent pas les moyens de production industrielle. Ils dominent le circuit économico-financier qui reproduit le capital. Nous voyons des contradictions dans ces pays entre les possédants et les gestionnaires qui sont alliés mais pas toujours. Il est intéressant de constater que la classe dominante est devenue plus complexe et qu’il y a des conflits. Des parties de la classe dirigeante s’appuient sur les secteurs populaires et d’autres parties s’appuient sur d’autres secteurs sociaux, au service de leur propres intérêts, et il y a des points d’union et de conflit entre et parmi elles. Nous observons une restructuration et un repositionnement des classes dirigeantes et nous l’observons très clairement en Bolivie et en Equateur.

2- BOLIVIE

Bolivie est le pays où les mouvements sociaux sont les plus forts, où ils ont obtenu le plus et où ils ont interféré le plus avec les systèmes dominants. Ils ont le grand avantage d’être très divers. Il y a les Aymaras des hauts plateaux et les peuples des basses terres. Dans beaucoup de cas les exploiteurs sont les multinationales, mais dans d’autres cas les menaces viennent des secteurs économiques Aymara ou Quechua. Cela crée une situation très complexe dans laquelle les basses terres sont actuellement en bas de l’échelle du pouvoir. 

Nous observons une reconfiguration intéressante de la classe dirigeante qui n’est plus la bourgeoisie qui parle « gringo » mais un autre groupe qui porte un poncho et qui parle Aymara ou Quechua, comme par exemple le vice-président Alvaro Garcia Linera. Il est le théoricien des nouvelles pratiques des instances dirigeantes, la charnière entre l’occident et les indigènes pourrait-on dire. La Bolivie est le laboratoire idéal pour ce processus : quand un mouvement indigène lutte pour le pouvoir, le gouvernement essaie de créer une instance de pouvoir parallèle.  C’est un processus de clonage qui génère de la confusion en cooptant les dirigeants et en créant des divisions brutales dans le but de brouiller les cartes. Cela ralentit les choses, laissant à l’élite le temps de se repositionner tout en continuant de promouvoir ses projets. Ces pratiques de domination sont beaucoup plus raffinées qu’avant. 

MU: Quest devenu le concept dedispersion du pouvoirdont vous parlez dans votre livre sur la Bolivie?

Quand l'or noir pollue l'or bleu (Vénézuela , Argentine)

Les entreprises minières et pétrolières mettent en danger l'eau de l'Amérique latine.Au Venezuela, une nouvelle catastrophe écologique a détruit des écosystèmes et met en danger le mode de vie des habitants. Reportage.

C'est marée basse. Le Guarapiche, rivière à l'Est du Venezuela, découvre ses berges de mangroves. Elles sont noires, de longues traces de pétrole suivent tranquillement le cours de l'eau. Le 4 février un oléduc s'est rompu à une cinquantaine de kilomètres de là, à Jusepin.

Selon le biologiste Antonio Machado, spécialiste de l'écologie tropicale et de l'eau, environ,"80.000 barils se seraient déversés dans le Guarapiche, soit plus de 12 millions de litres. La pollution a gagné le parc national de Turuépano. Selon le Réseau des sociétés scientifiques médicales vénézuéliennes, il s'agirait de la plus grande catastrophe de ce type en eau douce à l'échelle mondiale.

Révolte des sacrifiés au «développement»

Par: 
Anna Bednik

Açailândia, ville brésilienne du Nordeste. Son nom fait référence au fruit du palmier d’açaí, ingrédient de base de l’alimentation amazonienne traditionnelle. Il y a moins de 40 ans, c’était la forêt, habitée par des indigènes. Aujourd’hui, il ne reste plus un seul arbre d’açaí, seules les plantations d’eucalyptus, destinées à produire du charbon végétal pour la sidérurgie, verdissent quelque peu cette plaine désaffectée, point de passage du train de Vale do Rio Doce [1], dont les 312 wagons interminables évoquent un autre train célèbre, celui de « Cent ans de solitude » - à la différence près qu’ils ne transportent pas des cadavres mais des minerais de la terre rouge d’Amazonie. Les usines sidérurgiques, dont la fumée embrume encore les derniers jours de cette ère industrielle, vont bientôt fermer boutique : pour la Vale, il est maintenant plus intéressant de transformer le minerai au Mozambique ! Que restera-t-il ? Des souvenirs d’un « développement » toujours à venir, des rêves d’une vie meilleure qui, il y a moins de 40 ans, ont fait traverser la jungle aux premiers colons à la recherche du bois précieux. Qui les ont ensuite poussés, suivant les injonctions des éleveurs, à en finir avec la forêt, la transformer en charbon et laisser la place au bétail. Qui les ont aussi fait se taire quand les propriétaires autoproclamés des terres défrichées donnaient l’ordre de faire courser les Indiens par des chiens et les abattre d’un coup de fusil lorsqu’ils grimpaient aux derniers arbres. Qui, certainement, les ont fait applaudir quand la Vale annonçait la construction du chemin de fer, les embauchait pour planter des eucalyptus qui asséchaient les terres, quand la sidérurgie s’installait et, avec elle, les charbonneries, célèbres repères du travail esclave. Açailândia a vécu, en moins de 40 ans, toute une spirale de « cycles de développement » des plus sauvages. Qu’en reste-t-il ? Des souvenirs des rêves d’une vie meilleure, à jamais confinés dans de petites maisons, entassées autour d’un ravin, dans un paysage à l’horizon ravagé. 

A la Oroya, au Pérou, le développement est vert et blanc. Vert et blanc, ce sont les couleurs auxquelles Doe Run Perú, l’entreprise qui exploite une gigantesque fonderie de métaux, repeint écoles, parcs, places…, en faisant croire que ces installations lui doivent leur existence. Au-delà de ces couleurs, qui contrastent avec la montagne rasée et délavée à force d’émanations toxiques, la ville dominée par une géante cheminée a l’esthétique malsaine de l’enfer.

Brèves

Venezuela : leader indigène Sabino Romero assasiné

CARACAS - Un chef amérindien du Venezuela, Sabino Romero, connu par son combat pour voir les indiens yukpa reconnus comme propriétaires de leurs territoires ancestraux dans le nord-ouest du pays, a été abattu dimanche soir, ont annoncé les autorités locales. Un membre du gouvernement de l'Etat de Zulia a informé que ce dimanche vers 19H00 (locales) le chef yukpa Sabino Romero a été abattu, a rapporté l'agence de presse officielle AVN. Son épouse Lucia Martinez de Romero a été blessée dans la même agression, selon AVN.